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Arthur Larrue: Partir en guerre. Editions Allia, 2013

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Ce roman a été terminé en avril 2012, à Saint-Pétersbourg

Voici la critique de Etienne Dumont, dans la "Tribune de Genève".

On se demande si l’auteur existe vraiment. Allia dit l’homme né en 1984. «Il a choisi Saint-Pétersbourg pour enseigner la littérature française, mais aussi pour y chercher son adversité.» Vous me direz qu’il devrait facilement la trouver dans la nouvelle Russie. Il y a beaucoup de choses avec lesquelles on ne plaisante pas sous la férule de Poutine.
 
Eh bien, Larrue semble exister sous ce nom-là! On l’entend aujourd’hui sur certains plateaux branchés parler de «Partir en guerre», sorti il y a quelques jours chez Allia. Son second livre en peu de temps. En avril 2012, l’homme sortait (chez Dis Voir) son livret pour une «Médea» concoctée en mer Noire avec le Collectif Soundwalk. On se souvient que la magicienne est née en Colchide.
 
Comme la plupart des ouvrages publiés par Allia, «Partir en guerre» reste très court. A peine plus que cent pages. Le narrateur quitte au début sa compagne Esther. Il peut se replier dans le vaste appartement décati dont une certaine Tamriko Bamriko lui a confié les clefs. Il ne s’y retrouvera pas seul. Le lieu se voit déjà squatté par des membres du groupe Voïna.
 
Vous ne connaissez pas Voïna, dont des membres féminins sont devenus les Pussy Riot? Il faut que je fasse les présentations. Voïna, qui signifie «guerre» en russe, a été créé en 2007 par deux étudiants en philosophie de Moscou. Rejoint par d’autres activistes, il s’est lancé dans des actions toujours plus spectaculaires, dont la presse occidentale s’est parfois fait l’écho. «Guerre avait glissé de la performance à la révolte pour doubler la mise et ne pas s’installer dans le rôle d’amuseurs publics», peut-on lire à la page 82 du livre de Larrue.

En voulez-vous des exemples? En février 2008, lors d’une représentation radicale, le groupe a copulé en public la veille de l’élection de Dmitri Medvedev. En septembre 2008, un travailleur immigré ouzbek avait mimé une pendaison dans un centre commercial moscovite afin de dénoncer la marginalisation des minorités. A Nouvel-An 2012, Voïna a enfin brûlé un fourgon de police en hommage aux prisonniers politiques. Il s’agit de dénoncer à chaque fois «un Etat fascisant, xénophobe et homophobe». Je cite ici le prière d’insérer d’Allia.
 
Le narrateur va donc se retrouver durant quelques heures avec deux hommes, une femme et un enfant. Tout se passera en une nuit, comme dans un vieux roman russe. Quelques heures à la fois dangereuses, haletantes et un peu poisseuses. Il y a d’un côté les opposants au régime et de l’autre le sergent Komarov, mi-policier, mi-tortionnaire, qui l’incarne totalement. Autant dire que les chances semblent mal réparties…
 
Le livre a bien sûr été rédigé en français. Il s’agit apparemment d’un concentré d’expériences, comme il peut y avoir du concentré de tomates. Dans ses quelques lignes de préface, l’auteur assure avoir en réalité vécu nonante et-un jours avec des membres de Voïna. Il en ressort un livre qui sonne toujours juste, même si l’on ne connaît pas le pays. Le lecteur y croit. Mieux encore, il y est vraiment. S’il fallait rapprocher cet ouvrage d’une œuvre écrite en russe ces dernières années, ce serait, par son côté «speedé» et nocturne, «La soif» d’Andreï Guelassimov, traduit par Actes Sud en 2004.


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