Mai 1916. Pierre Pascal, un lieutenant français de 25 ans, accoste à Arkhangelsk. Il retrouve la Russie éternelle de ses livres d’enfant, coupoles dorées, villages de bois, forêts immenses et enneigées.
Octobre 1918. Témoin puis acteur du maelström révolutionnaire, Pierre Pascal prend la décision inouïe de s’engager corps et âme « en communisme », aux côtés du nouveau pouvoir bolchevique, au plus près du peuple russe, sans renoncer à sa foi chrétienne.
Mars 1933. L’ancien collaborateur de l’Internationale communiste et du commissariat du peuple aux Affaires étrangères, traducteur de Lénine, retrouve la France après une expérience unique au cœur du pouvoir soviétique. Il reprend le cours de sa vie de traducteur et professeur à la Sorbonne.
Pierre Pascal disparaît en juillet 1983. Individualiste, moraliste rebelle à toute discipline politique, c’est aussi pour protéger ses proches restés en URSS qu’il renonce à témoigner sur son expérience. Il rend ainsi presque invisibles ses cinquante années de combats antitotalitaires. À Moscou, Pascal est l’âme d’un réseau dissident avant la lettre, avec son beau-frère Victor Serge, ses amis Boris Souvarine, Angelo Tasca, Nicolas Lazarevitch. À Paris, il dissèque les « retours d’URSS » naïfs, propose une lecture vivante de la civilisation russe, veille à la publication de Pasternak et de Soljenitsyne. Toute sa vie demeure habitée par une réflexion singulière sur la relation entre communisme et christianisme, entre orthodoxie et catholicisme.
À l’approche du centenaire d’Octobre 1917, il faut suivre cet itinéraire étonnant pour comprendre la foi communiste, si lointaine dans ses excès et ses aveuglements, si proche dans sa quête d’une politique de justice humaine, si souvent liée à l’amour de la Russie, de son peuple et de sa littérature. À partir d’archives inédites – écrits intimes, correspondances, documents diplomatiques, politiques, policiers, militaires – collectées à Paris, à Moscou ou aux États-Unis, cette première biographie de Pierre Pascal s’attache à restituer dans toute sa complexité l’itinéraire d’un témoin exceptionnel du tumultueux vingtième siècle.
Sophie Cœuré est professeur d’histoire contemporaine à l’Université Denis Diderot Paris 7. Ses recherches portent sur la construction d’une mythologie de l’Union soviétique en Occident, les voyages en URSS et l’engagement des intellectuels communistes en France. Elle a également contribué au renouveau de l’histoire politique des archives, en particulier par ses travaux sur les archives spoliées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, devenues butin